Ah Lyon la belle ! Ville des Lumières, des Canuts, du cinéma, de la gastronomie, Bocuse, Saint-Ex et j’en passe ! Enfin ai-je trouvé l’occasion cette année de venir te voir, le temps d’un délicat weekend de printemps. Pour ce qui fut un grand moment de quiétude et d’allégresse, dont je me permets de faire le rapide compte rendu ici. Ce séjour me fit réaliser à quel point je te connaissais peu, à quel point j’avais sous estimé ton immense beauté. C’est presque si tu es venue dans mon cœur jouer des coudes avec ma chère Toulouse. J’ai bien dit presque !
Les circonstances m’amenèrent à te rendre visite dans la foulée d’une semaine très difficile pour l’Olympique Lyonnais qui avait vu le club être vaincu en Europa League par Manchester United, au terme d’un match légendaire voué à rester dans les annales, traversé par deux remontadas et conclu par un but d’Harry « Ronaldo » Maguire à la dernière seconde.
Et dans le sillon de cette cruelle défaite, une seconde autrement plus frustrante fut subie sur les terres du rival stéphanois voisin. Dure semaine, que vous dis-je !
Mais soit, ainsi va le football, ainsi va la vie. Tous autant faits l’un et l’autre de défaites et désillusions terribles.
Quant à moi donc, j’arrivai à Lyon assez vierge d’idées sur la ville, seulement asséché par une immense soif de découverte d’art et de culture et persuadé que j’allais trouver ici bien largement de quoi l’étancher.
Le musée des Beaux-arts
C’est ainsi d’un pas excité que je me suis dirigé le dimanche de mon arrivée vers le premier lieu tenu sacré dans le programme de mon séjour : Le Musée des Beaux Arts, bien entendu !
Situé dans le 1er arrondissement, au sud sur la sublime place des Terreaux, sur laquelle trône également à son ouest l’Hôtel de Ville, et surtout en son centre, ce qui à mon humble avis constitue un véritable trésor national (et premier choc esthétique de mon séjour !) : La tonitruante fontaine de Bartholdi !!!
Ce monstrueux banger de 360 tonnes, représentation allégorique de la France domptant ses 4 grands fleuves, fut ma première rencontre avec l’art guerrier et dantesque de Bartholdi. Nul doute que j’irai à l’occasion barouder jusqu’à Belfort pour y voir son fameux lion.

Le ton ainsi donné avec émotion, j’entrai avec impatience dans le musée des Beaux Arts avoisinant, situé dans le palais Saint Pierre, autrefois abbaye et disposant de ce fait d’un cloître en son entrée, le genre de joli coin de nature et de lumière qu’il est toujours agréable de trouver dans un musée.
Cette visite fut celle où je connectai enfin de manière profonde avec l’art de la sculpture.
J’y rencontrai Aristide Maillol (nom qui m’était bien familier puisqu’il était celui de la rue où se situait mon école primaire) éminent sculpteur du XXe siècle, grand spécialiste du nu féminin, au style rétro à contre courant des avant gardes d’un Rodin ou d’un Giacometti, paraphrasant les esthétiques de l’antiquité et de la renaissance pour les épurer avec modernité.


En contrepoint de cet érotisme antique, élégant et « silencieux », j’évoquerai ensuite des sculptures au ton plus « expressif » comme Persée et la Gorgone, cette formidable œuvre de Laurent Honoré Marqueste illustrant un moment culte de la mythologie grecque, celui qui voit Persée trancher la tête de Médusa.


Et puis je découvris Antoine Etex, un sculpteur venu m’apporter mon incontournable grande dose d’art romantique avec une œuvre stratosphérique : Caïn et sa race maudits de Dieu. Nous est ici relaté le fameux épisode biblique qui voit Caïn, après avoir tué son frère Abel, être chassé du Paradis et condamné à errer avec femme et enfant, ces derniers gisant de dépit à ses genoux. Ce qui m’a marqué avec cette sculpture, outre son lyrisme sinistre, c’est la vue qu’elle offre depuis son arrière sur le dos de Caïn. Un dos large, vouté, semblant courbé sous le lourd péché, porteur de toute la culpabilité de l’homme fratricide.


Je restai un long moment à contempler cette œuvre puissante. Mes rencontres avec l’art romantique sont décidément toujours spéciales ; Qu’elles soient fortuites comme ici ou comme lorsque j’entends au hasard résonner dans un film quelques stridentes et soyeuses notes d’un quatuor de Schubert, ou volontaires, comme lorsque je décide de lire pour le plaisir, au détour d’un passage de principe au rayon littérature française d’une Fnac ou d’une médiathèque, quelques lignes d’un George Sand trouvé là qui ne manquent jamais de m’émerveiller.
Et puis évidemment dans ce rayon sculpture, je rencontrai Auguste Rodin. En attendant de visiter son musée à Paris, je trouvai ici à Lyon largement de quoi apprécier son art expressionniste si charnel avec en tête de liste des œuvres qui me marquèrent le fameux Baiser :

J’aperçus également un des moulages de l’Âge d’airain :

Et puis bien évidemment, je remarquai le buste du Père Victor dont je connaissais bien le contexte de création pour avoir récemment vu le film Camille Claudel de Bruno Nuytten.

Ensuite, je passai aux choses sérieuses et me rendis au rayon peinture situé à l’étage pour vraiment voir ce que ce Musée des Beaux Arts avait dans le ventre, niveau XIXe ! J’y rencontrai quelques fameux impressionnistes : Un Monet, Charing Cross Bridge, la Tamise extrait de sa série de peintures effectuées en Angleterre (Comptant notamment aussi celles fameuses sur le Parlement)

Je relevai ensuite deux toiles aux sujets artistiques : Un Degas avec ses danseuses sur la scène témoignant du notoire intérêt du peintre pour la danse et les corps en mouvement.

Et un Renoir, ce grand portraitiste de femmes devant l’éternel, avec cette scène musicale et intime représentative du temps où le peintre s’écarta de l’esthétique impressionniste (raison pour laquelle il est celui que je préfère dans cette bande) pour revenir à un style plus empreint de classicisme avec donc ici une inspiration tirée de Corot et de Rubens.

Et puis ensuite, je fus heureux de trouver des travaux de mes deux gars sûrs, les grands modernes réalistes de la mi-siècle que sont Manet et Courbet.
Je relevai ainsi La Jeune femme dans les fleurs, un Manet tardif où le coup de pinceau se fait puis leste, plus léger et semble témoigner d’une claire influence impressionniste. J’aime cette toile car elle illustre la faculté qu’a eu le peintre à faire évoluer dans ses dernières années son style vers un ton plus avant gardiste, dans ce constant souci de modernisme, mais en conservant tout de même quelques de ses préceptes classiques et naturalistes pouvant être ici observés dans la structure, et de manière générale dans cette représentation pure avec une élégance sans esbroufe des femmes du quotidien. Formidable tableau.

Puis, je relevai une toile du maître Courbet : La remise des chevreuils en hiver, montreuse de son grand amour pour la nature, cette dernière représentée ici dans toute sa force, sa beauté, et pourrait-on dire sa simplicité. On a là aussi un Courbet tardif, éloigné de Paris et de ses tumultes, revenu sur ses terres natales doubiennes pour représenter cette scène d’hiver captée dans la forêt d’Ornans, avec cette biche sur le sentier enneigé au milieu des arbres. C’est toujours intéressant pour moi d’un peu apprécier le penchant calme de l’art de Courbet, que le retour à son terroir semble avoir (un peu) apaisé, moi qui apprécie surtout de ce grand peintre son image de grand provocateur naturaliste.

Et enfin, je ne peux point terminer sans mentionner une ou deux peintures académiques dans le genre religieux ou historique ! Bah oui, certes elles représentaient au XIXe siècle la peinture de papa institutionnelle et castratrice, grande ennemie du modernisme et des mouvements d’avant garde, mais de nos jours, c’est bien devant elles que le grand public aura tendance à s’émerveiller en priorité, plutôt que devant les chichis impressionnistes ou que sais-je d’autre. Moi même, c’est par son intermédiaire que m’est venu mon amour des beaux arts. Mes premiers grands coups de cœur picturaux, je les dois aux grands formats du Prado à Madrid, ceux de Rubens, du Titien ou la magnifique Juana la Loca de Pradilla.
Ici à Lyon, c’est la Défaite des Cimbres et des Teutons par Marius de Heim qui m’émerveilla de son immensité et de sa fureur. Violence. Lyrisme. Tragédie !

Et enfin, nous terminerons avec Les Hébreux emmenés en captivité (1865) une puissante toile d’inspiration romantique réalisée par Joseph Alfred Bellet du Poisat (D’ailleurs proche de Delacroix) évoquant la déportation des Hébreux vers Babylone, épisode notoire de l’Ancien Testament qui inspira aussi à Verdi son fameux opéra Nabucco !

Ici j’arrêterai ce florilège non exhaustif des œuvres qui me plurent dans ce formidable musée des Beaux arts lyonnais, ce dans un évident souci de ne pas rendre cet article kilométrique.
Sachez également que par égard pour la personne qui m’accompagnait si gentiment et dont l’estomac criait tendrement famine, je ne me suis pas attardé en ce noble lieu. Je n’y’ai ainsi passé qu’une petite heure là où il m’en aurait fallu dans l’idéal au moins le triple ! Mais soit. Ce fut comme toujours un si joyeux moment.
Direction le Vieux Lyon
Suite au déjeuner, nous poursuivîmes notre balade dans les alentours du 1er arrondissement, selon un itinéraire tracé en direction du Vieux Lyon, qui nous fit passer devant la fameuse fresque des Lyonnais rue de la Martinière, puis longer la Saône en marchant sur le quai Saint Antoine.

Et c’est là que je trouvai mon premier coin de paix de lyonnais : Sur les bords de la Saône, allongé sur d’amusants transats de béton à admirer par cette délicatement chaude météo de printemps les façades aux couleurs pastel des immeubles du Vieux Lyon situés en face sur la rive droite.
Les bords de fleuve ont vraiment cette tendance particulière à me ravir. J’aime tant venir y lire et passer du temps dans ma chère Toulouse. Ils sont pour moi l’illustration déterminante de la beauté d’une ville, tout comme ses toits, ils sont la signature de son esthétique.
J’ai trouvé à ceux de la Saône un charme presque méditerranéen tendance andalou et pour cause : Leur vue n’a pas été sans me rappeler celle que j’eus à Séville des bâtiments aux couleurs chaudes du Triana, tels qu’on les voit depuis le paseo Cristobal Colon sur les berges du long et tranquille Guadalquivir…
Que je puisse trouver un air d’Andalousie à une ville rhodanienne, voilà bien une drôle de chose que je n’aurais pas crue !

Je trouvai donc là aussi et surtout un joli moment de paix. Le genre qui à lui seul vous ferait revenir à Lyon pour juste vous planter là, en bord de cette Saône, un Rougon Macquart ou que sais-je à la main, à savourer la plume, la vue, le temps qui passe, à faire l’éloge de la lenteur avec laquelle un si agréable moment s’égrènerait et à prier pour qu’il ne soit pas troublé par l’affreuse musique crachée par l’enceinte d’un malotru avoisinant. Ce qui est hélas bien trop légion de nos jours…
Dans la foulée de ces réflexions vint ensuite et enfin le moment de pénétrer dans le second haut lieu sacré du programme de mon séjour : Le fameux Vieux Lyon ! L’accès au mythique quartier se fit par la passerelle Saint Antoine, grand ouvrage de fer peint en rouge à la symétrie farouche depuis lequel on a droit à un fort sympathique panorama.

Puis je pris le temps de relonger un poil la Saône histoire d’admirer un peu cette fois les façades de la rive gauche et enfin j’entrai dans le vif du Vieux Lyon en partant depuis la place Saint Paul.
Là, je décidai de ne pas me soumettre à un parcours précis, et d’emprunter les rues et les montées, seulement guidé par ma sensibilité. L’idée est toujours dans ces moments là, comme lorsque je marche au hasard dans Paris, de « se perdre dans la ville » et de laisser les circonstances provoquer les émotions.
Tout juste savais-je du Vieux Lyon qu’il était au temps de la Renaissance la place forte de la ville, un cœur économique rendu battant par de riches marchands venus de toute l’Europe et qu’il tomba dans une violente désuétude à partir du XVIIIe siècle, le grand temps soit disant lumineux où tout ce qui avait le malheur d’être gothique ou médiéval devint ringard et méprisable. Au XIXe siècle, il était ainsi tristement abandonné.
J’imagine le père Victor, si il avait été lyonnais, tristement fulminer en ce temps là à l’idée et la vue de ce paradis abandonné, brûlé en sa chair d’amoureux du Moyen âge, comme il le fut devant l’abandon de Notre Dame de Paris.
La rue de Juiverie, particulièrement déserte, fut la première que j’empruntai et depuis laquelle je gravis la montée du change, faite d’un escalier de plusieurs dizaines de marches. Je compris que j’étais arrivé sur un point iconique du quartier quand j’y croisai un couple de TikTokeurs à l’œuvre dans ses diableries.
C’est depuis ces hauteurs, tout en arpentant la montée Saint Barthélémy, que je pus admirer une vaste vue panoramique offerte sur les toits ocres du quartier, avec dans le fond de ce joli tableau sur la droite, les hauts de la cathédrale Saint Jean qui se laissent discrètement deviner. Puis après quelques minutes de marche vint le moment de redescendre par les escaliers de la longue montée des Chazeaux, croisant dans le sens inverse des braves touristes, dont certains pour qui cette ascension relevait de la torture.

Revenu ainsi dans le ventre du Vieux Lyon, je décidai de le parcourir au hasard et en zigzag en remontant la rue du Bœuf où j’avais atterri, jusqu’à la place Neuve Saint Jean. Et à peine posais-je mes premiers pas et regards en ce nouveau lieu que je sentis que j’étais arrivé là dans un des jolis cœurs de la ville, qui plus est à une heure de pic un dimanche de grand soleil. S’offre alors à moi un décor si adorablement franchouillard que j’en souris encore tel que j’écris ces lignes : Il est 14 heures, moment suprême de la journée où l’animation de la place semble être à son zénith : Les restaurants Bouchon Lyonnais (Chez Brachon, Les Ventres Jaunes, Le Comptoir du Bœuf…) tournent encore, leurs devantures colorées, jaunes, rouges, mauves sont toujours bien dressées, toujours bien assorties aux façades pastel des bâtiments type Renaissance qui les entourent et leurs terrasses toujours à cette heure bien garnies de clients assis à leurs tables nappées de carreaux.

Une joyeuse cohue se tient ainsi dans ce joli petit coin de France, qui tient plus de la petite rue que de la véritable place, dans laquelle se croisent sur ses pavés groupes de touristes, vieux promeneurs dominicaux, jeunes amoureux levés de leurs bancs publics et entre tout cela, moi, en francophile ému et comblé, savourant tous les pans de ce tableau si pittoresquement français, promenant mon regard à 360° tout autour de la place, marchant ainsi tantôt à reculons sur quelques pas, le sourire aux lèvres et la France dans le cœur. Je vous jure, il ne manquait que les notes d’accordéon.
La place de la Baleine, que j’atteignis ensuite par la rue Saint Jean, m’offrit la même allégresse de carte postale animée. C’est une fois arrivé place du Gouvernement que je trouvai une atmosphère inédite :
En effet, après les gentiment bouillonnantes ambiances d’heure de pic des places Neuve Saint Jean et Baleine, celle du Gouvernement m’offrit, et c’est un comble au vu de son nom, un bienvenu moment de quiétude que je dus grandement à une jeune femme postée à l’ombre sous son immense chêne qui jouait de soyeux airs de clarinette. C’était vraiment merveilleux de l’entendre partager ainsi son talent, devant son pupitre, rythmant de ses notes le pas des passants et parant d’avantage encore de délice l’atmosphère déjà si délicate de ce joli petit Vieux Lyon.

Je ne sais combien de temps je restai là, si charmé que j’étais par la musique, si séduit que j’étais déjà par Lyon, si inspiré et motivé que je devenais au fil grandissant de mon bien être à rendre compte sur papier ou ailleurs des émotions que me procuraient un tel moment que j’en oubliais que l’heure tournait et que c’était le moment de rentrer assister au 20e sacre de champion d’Angleterre de Liverpool. Je commençai donc à remonter la rue Saint Jean vers le nord pour rejoindre la station de métro Vieux Lyon afin de rentrer à l’hôtel, sans me douter qu’une dernière émotion, et certainement pas des moindres, m’attendait au bout de la rue.
Il s’agissait bien évidemment de la cathédrale de Saint Jean Baptiste. Je me souviens du frisson qui me parcourut lorsque j’entrevis de loin ses façades depuis la rue saint Jean, au niveau du pub irlandais « James Joyce ».
Le Vieux Lyon du fait de la densité de l’agencement de ses immeubles, ne nous offre pas depuis son cœur la possibilité de voir dépasser le haut de la cathédrale, elle-même relativement petite et ainsi ce ne sont pas ses toits mais ses façades que ce beau monument nous dévoile en premier lorsqu’on marche vers lui depuis la rue Saint Jean.
C’est une sorte d’hors d’œuvre auquel on a droit avant le grand festin visuel que constitue à notre vue le dévoilement entier du bâtiment lorsqu’on se retrouve enfin face à lui sur la place Saint Jean. Mais pour maximiser l’effet du choc esthétique, je ne regardai pas de suite le monument une fois arrivé sur la place : Je décidai plutôt de fixer mon regard sur la fontaine au centre de la place, de marcher vers elle tout en gardant bien la cathédrale dans mon dos et une fois certain d’avoir suffisamment de distance entre moi et la bâtisse, de me retourner brusquement vers elle histoire de l’apercevoir pour la première fois, pleine, totale, monumentale dans mon champ de vision :

Cette vieille technique d’esthète névrosé fonctionna à merveille. Le choc esthétique fut amoureusement terrible et je vous confesse sans la moindre once de honte que mes yeux s’humidifièrent à la soudaine et puissante vue de cette belle Notre Dame. Et pour parfaire le tableau, dites-vous qu’un guitariste calé dans le jardin voisin du bâtiment eut la bonté de jouer précisément à ce moment une reprise de No Surprises de Radiohead.
Je marchai vers le bâtiment dans un élan fait d’un pas à la fois magnétique et excité, durant lequel je préparai aussi bien corps et esprit à la découverte de l’intérieur.
Dans l’épisode de C’est pas sorcier consacré aux cathédrales, Fred émet une observation à laquelle je repense toujours lorsque je visite un de ces monuments : Il propose au spectateur d’imaginer ce que pouvaient bien ressentir les pèlerins au Moyen Âge lorsqu’ils pénétraient pour la première fois en ces immenses bâtisses.
Je vois déjà le vertige que je ressens moi du haut mon 21e siècle, de mon époque d’humain des villes pourtant bien rompu aux immenses cités fourmilières faites de monuments gargantuesques et ma pensée ne peut qu’être tendre et émue lorsque j’imagine la hauteur de l’émerveillement que devaient ressentir ceux qui 700 ans plus tôt, venus de plats pays et rases campagnes, pénétraient pour la première en ces lieux saints avec la probable impression d’entrer dans le paradis lui-même.

Ainsi s’acheva sur cette fantastique note cette adorable première journée de visite. Et Liverpool vainquit Tottenham 5 buts à 1. Champions of England. Job done.
Direction la Fourvière
Vint donc le lendemain matin le moment d’aller voir la Fourvière, dont la visite m’avait si souvent et si chaudement été recommandée. Et si possible dans la foulée, si l’heure le permet, d’aller visiter le musée du cinéma et de la miniature situé rue Saint Jean.
Arrivé à la station de métro Vieux Lyon, j’empruntai donc ce fameux funiculaire, consistant en cette rame bicolore, rouge en sa partie inférieure, blanche en supérieur, au bienvenu charme rétro des années 70 et appréciai la lente montée vers le sommet de la colline, durant laquelle je saluai cette tendance qu’avait décidément Lyon à me ravir de choses si simples.

Au sortir de la station, avant même de voir quoi que ce soit de la Basilique, j’entendis des notes d’accordéon ; Un joueur était assis près de l’entrée du portail menant au parvis et reprenait des airs typiques du patrimoine : Edith Piaf, Aznavour, Amélie Poulain… Ce brave semblait avoir été posté là par l’office du tourisme elle même ! Merci monsieur ! Il y eut de quoi là vraiment faire plaisir aux visiteurs les plus sensibles à ce genre de folklore (dont j’assume complètement faire partie)
Et puis bien entendu, je vis la bête. La Fourvière ! Bon Dieu, quelle sacrée gueule elle a cette bougresse ! Il n’en fallait pas moins pour rendre le plus beau des hommages qui soit à la Vierge. Bravo Lyon ! C’est ce qu’on appelle un monument !

C’est pourtant drôle lorsqu’on songe aux violents remous que causèrent son érection à la fin du XIXe siècle ; C’est peu dire que cet ouvrage brut, à l’identité hybride fait d’un croisement de styles néos gothiques et byzantins, sorti de l’imagination illuminée de l’architecte Pierre Bossan, n’a pas plu à tous. Son style fut jugé trop pompeux, trop moyenâgeux, voire même trop réactionnaire en cette fin de siècle républicaine tournée vers l’art nouveau. Aujourd’hui classée au patrimoine de l’UNESCO, indissociable du paysage lyonnais qu’elle domine en reine du haut de sa colline, elle fait l’immense fierté de sa ville et même de la France.
Je décidai de m’accorder le plaisir de la visite du bâtiment en dernier, et le contournai donc dans un premier temps pour aller admirer depuis les bordures du terrain où il trône, cette célèbre et immense vue qu’on a sur la belle Lyon.
C’est toute la ville qui s’offre ainsi à nous dans un sublime paysage, tacheté de ces toits ocres surplombés des bâtiments d’affaires, traversé en son milieu par la Saône, verdoyé par les feuillages qui garnissent la colline et les arbres plantés au bord de la rivière, et paré en son fond de ce ciel printanier et des montagnes alpines, ces deux majestueuses étendues formant à l’endroit où elles se fondent la ligne d’horizon.

Cette vue acheva de me faire penser que Lyon était décidément absolument sublime. Et me fit également remarquer à quel point elle avait brillamment su allier tradition et modernité, avec donc au milieu de cette foule de toits ocres ces bâtiments d’affaires se dressant et qui, loin de gâcher ce tableau au charme moyenâgeux, le décorent d’un trait futuriste dans une harmonie inattendue.
Après cela, je pénétrai dans la basilique, toujours accompagné des notes d’accordéon de notre ami plus haut cité. Nous étions lundi et une messe de semaine se tenait, une belle poignée de fidèles était présente. Ça ajouta du folklore au folklore.

Plutôt que de vous livrer un banal compte rendu de mes impressions lors de cette visite de l’intérieur de la Basilique, je préfère vous livrer une petite anecdote, survenue quelques jours plus tard, qui je pense rend bien compte de l’impression que m’a laissée la Fourvière :
Alors que j’arpentais de boulevard Lascrosses de ma Toulouse en direction de Jean Jaurès avec Hang On To Your Love de Sade dans les oreilles, je fus arrêté par deux jeunes noirs chrétiens, très probablement évangéliques et d’origine congolaise, qui furent soucieux de me rallier à leur cause protestante. Je prêtai assez peu d’attention à leur discours, frustré que j’étais d’avoir interrompu ma marche avec Sade, pressé que j’étais de la reprendre et déclinai ainsi poliment et rapidement leur invitation. Je pris cela dit le temps de répondre à la question qu’ils me posèrent avant de me quitter : « Boris ! Que conseilleriez-vous à un chrétien afin qu’il renforce son lien avec Dieu ? »
Durant les quelques secondes de réflexion que j’eus, des images de ma visite récente de Fourvière me revinrent. Son allure, ses façades, son intérieur fait de ces sublimes mosaïques, ses vitraux, ses tapisseries, ses arcs gothiques, ses sublimissimes parures byzantines. Toute la puissance dorée de ce majestueux croisement artistique de l’Orient et l’Occident.
Je répondis ainsi : « L’art. Quand on pense à tous les sublimes monuments que l’Homme a bâti au nom de Dieu, du génie dont il a fait preuve pour imaginer toutes ces merveilles d’architecture, de la force et de la persévérance qu’il a puisées en lui pour les ériger, souvent au terme de travaux s’étalant sur plusieurs siècles, que cela soit toujours pour lui un rappel de ce qu’il est capable de faire au nom du Seigneur, de la Vierge, du Christ et tous les saints du christianisme et que cela lui permette, même dans les moments de doutes les plus cruels, de toujours maintenir de cette façon un puissant lien avec Dieu »
Bon je vous concède que c’est pas sorti de manière aussi limpide. Mais c’est peu ou prou ce que je répondis. Nos deux jeunes évangélistes furent surpris mais visiblement très contents de cette réponse.
Retour à présent à notre récit de voyage et à la place Neuve Saint Jean que j’avais tant appréciée la veille et dans laquelle je revins pour y trouver un restaurant. Histoire de goûter un peu de spécialités locales. Bah oui quand même, voyons ce pourquoi la ville est tant réputée ! On est pas n’importe où ici, con !
Après une réflexion cornélienne quant au choix du restaurant, je finis par jeter mon dévolu sur « Les Ventres Jaunes » amusé que j’étais par ce drôle de nom (malgré sa connotation un poil nauséeuse) et attiré par l’intérieur à la décoration rustique. Ainsi puisqu’on était en Franchouille, on a donc mangé franchouillard à la mode lyonnaise :
Soupe à l’oignon en entrée, saucisson lyonnais avec ses légumes en plat de résistance et tarte aux pralines pour le dessert. Le tout arrosé d’un verre de Mercurey, un fameux pinot noir venu bien évidemment de la Bourgogne voisine.

Seul regret et hélas pas vraiment un moindre : L’affreuse playlist jouée dans les enceintes du restaurant. Quel grand écart de saveur entre la cuisine servie et la musique entendue ! Je ne me souviens même pas quelles étaient les chansons diffusées, précisément parce que c’était le genre de merde oubliable typique de notre époque qui, même si elle horripile sur le moment, a au moins le mérite de ne pas rester dans nos têtes. Quitte à consommer de la soupe, autant la faire chaude et savoureuse comme celle à l’oignon de l’entrée !
Après ce déjeuner, je constatai avec regret que le temps allait me manquer pour voir le Musée du Cinéma et de la Miniature. Tant pis me dis-je, voilà au pire que j’ai là un nouveau point à ajouter à la liste des très bonnes raisons que j’ai de revenir à Lyon.
Ainsi ce fut l’heure de se diriger vers Part Dieu afin de partir retrouver Paris. Mais je décidai avec ce trajet de retour vers la gare de m’autoriser un dernier plaisir. Descendre au métro Bellecour, histoire de quand même voir la fameuse place et ensuite rejoindre la gare Part Dieu à pied moyennant une marche de 10 minutes qui me faisait en plus emprunter l’avenue du Père Victor !
Mais hélas une fois arrivé sur place (c’est le cas de le dire), pas d’enchantement au rendez-vous. Je l’ai trouvée grise, fade, lisse. Voire même triste dans ce qui était pourtant un décor au temps si ensoleillé. Peut être était-ce dû aux travaux en cours sur le lieu ? Peut être que ce sont les gens et non son imagerie en soi qui donnent à cette place sa magie à une certaine heure ou les jours de grandes fêtes et rassemblements ? Je ne sais point. À éclaircir à l’occasion. Je restai en attendant peu convaincu et l’immense statue en bronze de Louis XIV trônant en son sein n’y changea pas grand-chose.
Ainsi s’acheva donc ce petit séjour en terre lyonnaise, dont je garderai de tendres souvenirs, que j’entretiendrai chaleureusement en attendant de revenir en créer de nouveaux. Je t’aime Lyon, à bientôt ma belle !
© BORIS NGONDY-OSS